Route du Rhum - De Caraïbes en Scylla
by Marie Le Berrigaud-Perochon on 22 Nov 2014
Jean Christophe Caso (Picoty-Lac de Vassiviere) 13eme de la categorie Class 40 sur la Route du Rhum-Destination Guadeloupe 2014 - Pointe a Pitre le 21/11/2014 Alexis Courcoux
Les arrivées se succèdent à Pointe-à-Pitre à un rythme soutenu parmi les Class40, mais à chaque fois, le tour de la Guadeloupe pose problème aux solitaires après plus de 19 jours de mer. Le temps change en effet sur l’arc caraïbe et les grains sont désormais nombreux à perturber le régime d’alizés d’Est qui prend une composante Sud ce vendredi. Et si le dernier des Multi50 d’Etienne Hochedé (PiR2-CCI Fécamp Bolbec) en a fini jeudi dans la nuit, il faudra attendre encore jusqu’au samedi matin tropical pour que le premier monocoque de la Classe Rhum franchisse lui aussi la ligne d’arrivée…
C’est le supplice de Sisyphe, le fils d’Éole qui dut finir ses jours à monter un rocher qui n’arrivait jamais en haut d’une colline… Après 19 jours de mer, les skippers doivent en effet encore effectuer le tour de la Guadeloupe, un véritable calvaire physique mais surtout mental car à chaque fois ou presque, le prédécesseur apparaît à l’horizon et le poursuivant émerge derrière la poupe ! Un tour de 60 milles environ qui se scinde en deux parties: de la Tête à l’Anglais située au Nord de l’île papillon jusqu’à la bouée de Basse-Terre (28 milles) et de cette dernière marque de parcours à l’arrivée devant l’hôtel Créole Beach à Gosier (25 milles). Sous le vent du volcan de la Soufrière, la brise est totalement perturbée et parfois inexistante, et de Basse-Terre à Pointe-à-Pitre, il faut affronter les alizés face au vent montant parfois à plus de 25 nœuds sur une mer très hachée…
Par grappes successives
Dans la nuit tropicale, les arrivées de solitaires se sont succédées quasiment toutes les deux heures, parfois même par groupe comme lors du final entre Damien Seguin (ERDF-Des pieds et des mains) qui a réussi à déborder dans le canal des Saintes Fabrice Amedeo (SNCF-Geodis-Newrest) obligé de faire une escale technique à Basse-Terre pour démêler son spinnaker entouré autour de l’étai: seulement 17 minutes et 11 secondes d’écart après 18 jours de mer… Et derrière, le dernier Multi50 ne concédait que quelques minutes aussi: Etienne Hochedé (PiR2-CCI Fécamp Bolbec) clôturait sa classe de belle manière sur son vieux trimaran en aluminium avec une cinquième place en Guadeloupe…
Puis ce fut de nouveau une vague de Class40 qui était en approche de l’île papillon: l’Italien Giancarlo Pedote (Fantastica) finissait ainsi dixième, devant le jeune Malouin Valentin Lemarchand (Maison Tirel Guérin) sept heures plus tard au lever du jour. Pendant ce temps, le CROSS Antilles demandait à Bertrand Delesne (Teamwork40) de se dérouter devant la bouée de Basse-Terre pour participer à la recherche d’une personne à l’eau. Il reprenait sa route quelques heures plus tard et finissait douzième devant Jean-Christophe Caso (Picoty-Lac de Vassivière) avant le midi tropical. Enfin, le journaliste-navigateur Pierre-Yves Lautrou (L’Express-Trepia) pouvait profiter d’une journée relativement calme (moins de grains et moins de chaleur) pour conclure son périple à une quatorzième position.
Les Classe Rhum attendus samedi
La première place parmi les monocoques de la Classe Rhum ne semble plus pouvoir échapper à l’Italien Andrea Mura (Vento di Sardegna) qui devrait couper la ligne d’arrivée en milieu de journée samedi. Avec un coussin d’avance d’une bonne trentaine de milles sur le doyen de la course! En effet, Sir Robin Knox-Johnston (Grey Power) a mis du charbon ces derniers jours et a débordé Wilfrid Clerton (Cap au Cap Location) qu’il devance désormais d’une quarantaine de milles… Certes il reste toujours l’incertitude des conditions de navigation derrière le volcan de la Soufrière, mais la marge semble suffisante pour que ce trio se succède dans cet ordre ce samedi dès la mi-journée…
Enfin en queue de flotte, Nicolas Thomas explose les compteurs: avec 326,5 milles parcourus en 24 heures entre le 19 et le 20 novembre 4h00, le Guadeloupéen démontre qu’il ne chôme pas! Reparti de La Corogne après trois jours d’escale en dernière position des Class40, le solitaire a eu du mal à s’extraire des côtes portugaises puis a dû traverser une dorsale anticyclonique sans beaucoup de vent avant de toucher enfin les alizés sur le tropique du Cancer. Depuis, Guadeloupe Grand Large-1001 Piles Batteries aligne des moyennes incroyables qui lui ont permis de déborder Vincent Lantin (Vanetys -Le slip français), puis Antoine Michel (Setti LTD) et Olivier Roussey (Obportus-Conseil régional de Lorraine). Il a donc réalisé la meilleure moyenne de toute la Class40 depuis le départ de Saint-Malo à 13,06 nœuds toute la journée! A notre connaissance, c’est la plus grande distance parcourue en 24 heures par un Class40 de tous les temps…
Ils ont dit
Etienne Hochedé-PiR2-CCI Fécamp Bolbec (Multi50): 'Ça fait du bien d'arriver à Pointe-à-Pitre : il y en a eu du sel et de l'eau, alors un ti-punch… J'ai vraiment forcé sur le bateau pour en arriver là ! Je ne pensais pas aller si vite, mais le bateau va très bien au portant. Et je suis très satisfait du résultat. J'ai galéré avec mes pilotes automatiques: ça m'a pris pas mal de temps et ce n'était pas très drôle. Et les trois jours avant d'arriver en Guadeloupe n'ont pas été faciles avec beaucoup de vent, surtout la nuit avec des grains violents. J'étais très confiant en la plateforme mais j'étais plus inquiet côté gréement. Je ne sais pas si je vais recommencer une Route du Rhum-Destination Guadeloupe: je vieillis! Mais on ne sait pas, je n'ai rien prévu…'
Giancarlo Pedote-Fantastica (Class40): 'Au début, le moral, c'était pas top. J'avais un problème de trinquette, de grand-voile et d'autres soucis, donc je me suis arrêté. Ensuite, je suis reparti, crevé avec zéro batterie… Mais j'ai repris, je suis remonté, c'était top. J'ai eu aussi des bons moments, quand tu t'appliques et que tu sens que tu reviens. J'ai vu que j'avais la vitesse, même si j'ai fait beaucoup de bêtises au niveau des manœuvres parce que je ne connaissais pas bien le bateau. Normalement, je ne suis pas content avec ce type de place, mais mine de rien j'ai fait une belle remontée. Je ne sais pas si j'ai eu du plaisir… Le plaisir, c'est quelque chose que je trouve quand je fais de la croisière. Quand tu fais de la course, tu attaques, tu es toujours au maximum, tu te fais du mal et ce n'est pas rigolo, et cela génère du stress. Mais oui, je suis content!'
Valentin Lemarchand-Maison Tirel Guérin (Class40): 'La première semaine, j'ai plutôt joué la sécurité et finalement je m'en suis pas mal sorti, je me suis rapidement retrouvé dans les dix premiers. Après, j'ai vécu dix jours de pur bonheur de glisse… Vraiment super ! J'ai eu longs des longs bords de portant avec des surfs incroyables. Par contre, j'ai eu quelques petits problèmes avec mes spis, j'en ai pété deux. Sur la fin, j'avançais moins vite, mais j'ai réussi à ne pas perdre trop de places. Puis à la fin, il y a le tour de la Guadeloupe, et c'est vraiment le truc de trop! J'ai eu plein de soucis, le vent passe de 5 à 25 nœuds en dix secondes, il faut passer la bouée qui est super proche de la côte, de nuit c'est compliqué. Tu passes au Sud, tu crois que c'est fini, mais pas du tout, il y avait 25 nœuds au près. Je partais surtout pour arriver et puis finalement je me retrouve onzième, c'est génial!'
Bertrand Delesne-Teamwork40 (Class40): 'Des émotions du début à la fin ! Ça été une course pimentée du début à la conclusion. Le départ a été magique, un Rhum comme on en rêve : j'étais assez contemplatif et très content d'être sur la ligne. Et puis la première nuit cauchemardesque avec mes problèmes techniques… Et le re-départ: j'ai pris énormément de plaisir à partir de Gibraltar! Route Sud, la glisse, rattraper les copains, de grands bords de spinnaker, des surfs fabuleux, de la stratégie pour négocier les bascules de vent, de la tactique pour les grains et les concurrents à portée, et une arrivée spéciale… Beaucoup de gros grains sur la Guadeloupe : j'ai passé beaucoup de temps à la barre. Et dans la nuit, il a fallu que je porte assistance au CROSS Antilles, alors que j'étais en train de rattraper Valentin (Lemarchand). J'aurais préféré arriver plus tôt parce que je suis totalement lessivé! C'est magique…'
Jean-Christophe Caso-Picoty/Lac de Vassivière (Class40): 'C'était vraiment intense! Je n'ai pas souvenir d'un moment de break. Intense, exigeant, mais superbe régate. Cela ne s'est pas déroulé comme je l'imaginais au départ, avec des périodes très difficiles parce qu'il se passe des trucs pour toi et pas pour les autres. Même s'il se passe aussi des choses pour les autres et pas pour toi, tu vois toujours midi à ta porte… Il faut arriver à se recaler dans le match et avec Bébert (Bertrand Delesne), PYL (Pierre-Yves Lautrou), Halvard (Mabire) et Michel le Belge (Kleinjans), on s'est fait une super régate entre nous depuis huit jours. Personne ne lâche rien : on est resté au contact quasiment jusqu'à l'atterrissage sur la Guadeloupe. Même si je ne suis pas à la place que j'aimerais avoir, j'ai tout donné pour arriver là. Je n'ai pas de Route du Rhum
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